Violon d’hiver


Les cordes à violon de mon cœur
Tordues au souffle des chimères
Gémissent encore et leurs erreurs
Rejouent à chaque nouveau rêve

Le long de la route bifide
Les sans musique hèlent le vent
Pour faire vibrer l’espoir languide
Là où plus rien ne les attend

Et sur les bords où je m’effrite
Mugit la complainte du temps
Pour qu’enfin les amants s’agitent
Sur mes particules de sang

Renaît le chant des éperdus
Mais qui vit de la pourriture ?
A part l’humanité déchue
Espérant de l’ombre un futur

Tic tac


Le silence, le vide
Tic
Etrange bruissement
Tac
Le monde en coton s’arrête
Tic
Un chat miaule au loin
Tac



Il fait doux
Tic
Les doigts sont gourds le
Tac
A rempli mon corps sourd de
Tic
Quelque part un vélo fait
Tac
La chaîne a du sauter le
Tic
Se multiplie sans fin
Tac



Plus un bruit, le vide bourdonne
Tac
Mon souffle rugit
Tic
Un cheveu tombe
Tac
Un stylo casse
Tic
Dans ma main morte
Tac
Le sang a giclé
Tic
Coule
Tac
Tombe
Tic



Et clac
La porte s’ouvre
Les pas
Se dirigent
Vers moi
Je la vois
Tic-tac
Tic-tac
Tic-tac
L'amer est là

Pourquoi ?


Pourquoi l’espoir sur les visages
Quand les ombres en nous se vomissent
Que reste-t-il dans le sillage
Des enfants morts, à jamais tristes



Les cœurs éperdus sont brisés
Nés du manque, ils rompent le flux
Sur le fil tendu sont figés
Ont donné mais n’ont rien reçu



Au bord des routes courent les anges
Dispersés en terre des hommes
Traînant de leurs ailes étranges
Les morceaux saignant d’un sarcome



Mais parfois au bord de la route
Un visage a semé le doute
Pourrait-il un jour recoller
Ce qui reste à jamais fêlé



Et par trop d’espoir mensonger
Les petits reprenant la route
Ont cessé de se ramasser
Et leurs ailes, brûlent une fois pour toutes

Le dommage collatéral


Au-delà du plateau sanglant de tes victoires,
Je regardais un homme cherchant de ses doigts noirs
Dans la noria glacée, errant sans faire d’histoire,
Une bouche d’égout, une chaleur, un trottoir



Il a choisi sa voie, diras-tu, sans faillir
Il est loin de nos lois, c’est un de ceux qui restent
Dans l’ombre statistique des vivants qui aspirent
Aux fondations d’un monde dont l’avenir atteste



Dommage collatéral, c’est ainsi que les chiffres
Assurent la raison contre un instinct funeste
Qui pourrait endiguer la voix de tes sous fifres



D’un taquet si menu, à bien y réfléchir,
Qu’il vaut mille fois mieux désigner ceux qui restent
Du choix de la folie qu’à la folie d’un risque

Le sang des amants

Il errait au gré des nuits blanches
Fatigué des autres à l’avance
Elle filait le temps de l’absence
De mots lancés à contresens

Ils ont pris du mur la fissure
Comme un chien pourchassant l’espoir
Lié leur folie d’un murmure
Allumé un feu dans leur noir

Mais la voix du vide est requise
A la porte des innocents
Hissez haut le drapeau perfide
Nos amours ont goûté le sang
Les ombres ont repris leurs devises
Devant la statue des amants
Le bonheur par trop insipide
A rendu leur sel aux déments

Les chemins perclus de caillasse
Après mille ans de solitude
Ont vu des mains créer l’espace
Briser les chaînes de servitude

« Si les montagnes au loin s’approchent
N’y pensons pas tant qu’on avance ! »
Hurlait-il dans le vent fantoche
Qui pliait sous leurs deux confiances

Mais la voix du vide est requise
A la porte des innocents
Hissez haut le drapeau perfide
Nos amours ont goûté le sang
Les ombres ont repris leurs devises
Devant la statue des amants
Le bonheur par trop insipide
A rendu leur sel aux déments

Mais les cœurs armés de courage
Lassés sous le poids des cailloux
A en voir toujours d’avantage
Se prenaient un peu de dégoût

Comment en vouloir aux enfants
Qui devant un autre chemin
Ont jeté leurs deux pioches en sang
Pour enfin se donner la main

Et la voix du vide est requise
A la porte des innocents
Hissez haut le drapeau perfide
Nos amours ont goûté le sang
Les ombres ont repris leurs devises
Devant la statue des amants
Le bonheur par trop insipide
A rendu leur sel aux déments

Tous joyeux, le pas plus léger
Ils marchaient sans trop y penser
Occupés à se regarder
Ils ont oublié le rocher

Mais la porte en rouge taillée
N’était pas celle des sangs mêlés
Et nos deux lutteurs éreintés
Ont cédé à la facilité

Et la voix du vide est requise
A la porte des innocents
Hissez haut le drapeau perfide
Nos amours ont goûté le sang
Les ombres ont repris leurs devises
Devant la statue des amants
Le bonheur par trop insipide
A rendu leur sel aux déments

Par la brillance émerveillés
Ont fait fi du souffle putride
Et la chair s’est parcheminée
Où les âmes ont laissé le vide

Oubliant que c’était le sang
De l’amour qui portait les armes
Ont bu chacun de leur côté
Et en sont restés pétrifiés

Et la voix du vide est requise
A la porte des innocents
Hissez haut le drapeau perfide
Nos amours ont goûté le sang
Les ombres ont repris leurs devises
Devant la statue des amants
Le bonheur par trop insipide
A rendu leur sel aux déments