La vie en pied

A vouloir caresser le monde en une image
Tu finiras par voir passer la vie en pied
Pour arrêter le temps, saisir sur des visages
Le parfum d’un instant et l’immortaliser

J’entends à chaque épreuve expirer tes soupirs
Pour le détail qui manque à ton imperfection
Ce charme indéchiffrable offrant en un sourire
A chaque amateur son miroir de perception

Combien en faudrait-il et toujours un peu plus
Afin de rendre autant de tout à chaque fois
La vie dans un cliché naît d’avance perdue

Quand l’instinct passe enfin au révélateur froid
Chassé par le besoin du travail à finir
Alors que le secret de l’art est le plaisir

L’âme du fleuve

De vitrine en glacier
Néréide atrophiée
Tu regardes en dessous
Du rideau des flots fous

Les hommes devant toi
Te prier mille fois
D’épancher ces désirs
Semblant nés du plaisir

Mais le sel de tes yeux
Est seul garant du lieu
Car le fleuve d’oubli
D’eau douce anesthésie

Ta nature salée
Loreley mutilée
Pleure pour un peu de vie
Prie l’océan promis

Qu’à force d’écouter
Les chants de ses adeptes
Eternité s’endorme
Dans les yeux des prophètes

Illusion

Mon cœur fou ce matin s’agite dans sa cage  
Animé par l’espoir aveugle et insensé
Germé, fleuri sans même avoir de toi l’image
Et alors que l’esprit tente de l’asphyxier

Je sens me pénétrer le trouble de l’absence
S’immiscer les couleurs sur fond de rêve argent
Et mon âme à goûter de l’inconnu l’essence
S’offre à l’oubli divin d’un vertige impudent

Où tes caresses enfin sans plus rien s’interdire
Me soumettent à l’ivresse de pensées inavouables
A l’envie d’expirer sous tes doigts d’un plaisir
Intense au point qu’il en soit presque insoutenable

Savoir que tu domines le rythme de mon cœur
Qu’il ne puisse reprendre avant que tu l’ordonnes
Attendre et supplier d’accueillir la douleur
De ma chair asservie à ton corps, qui se donne

Et quand à bout de soif nos souffles alanguis
Se joignent en ce soupir où Volupté expire
Vaincue par la puissance de nos désirs unis,
Jouir au jour qui m’enseigne de t’appartenir

Les yeux clos deviner ton regard apaisé
Glisser sur mes contours en baiser de tendresse
Alors que le mien n’ose désormais se montrer
L’amour brûlant encore de ma pudeur les restes

Et savourer l’arôme de ta peau salée
Où frémissent encore les fous ruisseaux de fièvre
Que l’excès délicieux d’une autre éternité
Incite à se mourir en serments sur tes lèvres

C’est alors que soudain s’estompe le mirage
Lorsqu’un petit vent frais vient dissiper le charme
Et qu’un goût de métal reflet du paysage
Me rappelle au gris mort d’une ville sans âme

Dont le léger crachin coulant sur mes ardeurs
Diluant dans l’éther ma folie passagère
Invoque ma raison au pouvoir destructeur
De chasser sans appel l’absurde imaginaire

Mais mon cœur pétrifié de perdre l’illusoire
Récuse le réel en faveur de l’abîme
Préférant au silence la torpeur de l’espoir
Et mes yeux se referment alors que j’imagine

La douceur de ta bouche m’effleurant de ces mots
Qui glissent sur mon cou dans la chaleur d’un souffle
Consolant ma douleur en un frisson nouveau
Imprégnant de désir mon être qui s’étouffe

Tombeau

Terreur sanguinolente tapie sous la membrane
Frappe trois coups au cercueil mité de la vengeance
Toi qui n’as pas de doigts exhales ton souffle insane
Pour que fonde la boue de haine iridescente

Chantez, beautés étranges afin que le bois casse
Sortez moi de ce trou où je croupis vivante
Vendez vous en enfer mais cassez cette glace
Qui piège des années de colère impuissante

Si j’attendais que passe enfin me voir un jour
L’amer qui de prélasse bien au chaud dans sa tour
Depuis tant d’hivers morts à bouffer mon silence

Je supplie aujourd’hui mes œuvres d’infamie
De briser le cocon de ma lente agonie
Où le plat froid sans toi n’a plus qu’un goût de rance

Nausée

Fleur vomie de mes rêves en larmes imprimées
Magie salie de cendre au matin dégrisé
Les néons rouges ont pendu les amours donnés
Dans cette chambre où les regards ont effacé


La trace d’une nuit soldée sous la nausée
D’une absence à combler à n’importe quel prix
Au règne du silence, seule une épave aimée
Tangue au bout du port emmuré de mes envies  

Masque éternel de sérénité qui me ronge
Visages déformés, mimes effrayants qui s'allongent
Relents de solitude amers, l'espoir éponge

Jusqu’à ce que la limite, fondue dans le décor
Dessine sous mes pieds les rails poudrés de mort
Montrant enfin la route qui convient à mon corps

La danse

Depuis les premiers pas,
Empreintes d’insouciance
Nous n’avons d’autre choix
Que d’entamer la danse

Quant à qui conduira,
Du destin, de la chance
Ou mieux, peut-être toi
Si tu vois qui la pense

Alors même l’ambiance
Pourra charmer ton corps
Porté par la cadence,
Tu glisseras sans efforts

Mais n’oublie pas la muse
Elle connaît le danger
Afin que tu t’amuses,
T’offre des cavaliers

Jusqu’à c’que ton cœur s’use
Sans cesse à virevolter
Pour que ton âme s’abuse
À se laisser guider

Puis un jour tes pieds saignent
À toujours s’oublier
Les danseurs te dédaignent,
Te sentant trébucher

Tu voudrais que s’éteignent
Ces tempos endiablés
Pour reprendre les rênes
À ton autorité

Mais chaque pas le rythme
Appelle un autre temps
Et ainsi la musique
Renaît du mouvement

Tout peut aller si vite
Et l’on ne sait comment
Nos jeunes années s’effritent
Emportées par le vent

Si tu parviens alors
À travers les soupirs
A respirer encore
Et valser sans fléchir

Tu sauras à ton corps
Inspirer tes désirs
A contretemps du sort
Pour enfin l’asservir

Sourire

Ton sourire d'écorché

Gît la bouche en demeure

Dérisoire tombeau

Cavité de misère

Où les larmes des mots

Expirent sur tes lèvres

Alors que tu ravales

Le fiel avec la bière

Dans un instant encore

La lie d’un autre verre

Saura des yeux des morts

Oublier la colère

Reflet

Mon froid reflet cassé
Me regarde en riant
Du fond de cette glace
Que des yeux de dément
Fixent avec impudeur
Retenant leur douleur
De n'avoir jamais vu
Ce qu'ils auraient voulu

Volte face

Petite fleur fragile
Posée sur une échelle
Tu vacilles, tu vacilles
T’envoles sans tes ailes

Mais le rat du sommeil
Laisse le vent tomber
Le crapaud qui surveille
Commence à saliver

Pendant qu’Arachné tisse
Les étoiles bleutées
Nourrissant l’interstice
D’où tu t’es échappée

Les murs ont beau prier
L’ourlé de la poignée
De porte s’est figé
Clenche dorée, crochet

Volte face, volte face,
Les murs ont beau prier
Volte face s’est fermé

Les rivières mortes

J’ai émietté la porte
Avec mes doigts tremblants
Su le destin d’Echo
Et m’y perdre pourtant

Mais tu ne m’entends pas
Mourir de t’invoquer
Mon sang devenu froid
Fige une éternité

Où le prix des amours
Est la monnaie du gouffre
L’ange brûle avec celle
Qui s’est ouvert les veines

Alors je m’impudence
Fuis vers tes yeux de fou
Me solvant dans l’attente
Afin que l’un soit nous

Caresse-moi de rage
Existe-moi de peine
Grouille en moi de silence
Que je meure à l’absence

Enfouis-moi dans le creux
De tes rivières mortes
Je saurais les saler
Où tes soupirs m’emportent

Jusqu’à ce que tu m’ingères
Et pourrissent les rêves
De la peur que j’espère
En toi vivre encore
Aime moi

Le moule

Un ange passe

Une vie coule

Un fou trépasse

Un mur s’écroule

Alors l’angoisse

Reprend la foule

Et c'est là que tu passes

M'arracher de la houle

De mon âme si lasse

De rester dans son moule

Mais je me casse

Et tu t'effaces

Pour rentrer dans le tien

Préliminaires

Une soirée, un verre, un début, une offrande,
Mon entité masquée répond à la demande
Tu crois je sais qu’il faut, séduire selon la loi
Mais l’impôt de la rage est à taire, je bois

A réprimer l’envie de me donner à toi
Qui vient là sans savoir l’autre que je combat
Qui veut juste essayer, c’est normal, c’est si peu
Quand moi je sais déjà ce que de toi je veux

Mais à garder l’alcool qui ronge ma bouteille
Le volcan s’impatiente et quelques fleurs vermeilles
Viennent cracher leur sang sur l’émotion naissante
Que la langue en un temps peut donner pour absente

Et pourtant chaque fois une coulée de sel
A vouloir apaiser la peur avec le fiel
Se répand en bouquet violent d’existentiel
Car c’est moi ou le froid et pour le prix je paye

S… !

La main morte a frappé
Dehors le vent chuchote
A la rumeur le crime
S’exhale des doigts gourds

Mais la porte transie
Cachant les yeux glacés
Sait que l’assassiné
Gît en haut de la tour

Dans le rai de lumière
Ouvrant l’éternité
Les regards entendus
Jouissent sur le palier

Il est temps d’aller voir
Celle qui meurt ce soir
Les caveaux en ivoire
Vont t’offrir la mémoire

Pour que germe le sens
Des sourires insidieux
Que tu m’avais promis,
Salope ! En adieux

Oppression

Comme une étoile vide que l'espoir à quitté
Comme un sourire amer brûlant au coin des lèvres
Esquisse de douleur sur la bouche scellée
Par un silence lourd aux germes emplis de fièvre

Comme une foule sourde à la gorge nouée
Comme les battements fous des cœurs à l'unisson
Haletant de plaisir et de terreur mêlée
D’attendre de l’impur la juste pendaison

Comme un corps secoué par les sanglots muets
Comme un esprit malade au profit de son maître
Va crever l'abcès noir de nos désirs secrets

Comme un peuple affamé trouvant son émissaire
Comme une fleur fânée quand la touchent les rêves
On vit parfois sans foi pour mourir assoiffé

Douze heures minutes

Ce soir, encore hier
Ma bouche est en vitrine
Au bar des sans prières
Ne reste que du gin

Tourne la roue trottoir
Dehors ils ont si froid
Tu le vois aux regards
Qui cherchent un peu de toi

Entrez la route est longue
Versez-moi en secret
Le poids de votre honte
Pour deux ou trois billets

Je saurais vous aimer
Ou mieux, vous écouter
Pour un temps décompté
A ma vie expirée

Mais ce qui est entré,
Lui, sait ce que je donne
Et veut plus à voler
Qu’un présent fait à l’homme

Son être ravagé
N’attend que la jouissance
A enfin posséder
Ces restes d’innocence

Qui hurlent à mort saignés
Dans l’égout des confesses
Quand son râle enfiévré
Te ferait par faiblesse

Déchirer son sourire
Pour entendre le cri
Sectionner son désir
En effacer le bruit

Que le violine emplisse
De son froid cette nuit
Afin que je ne puisse
En connaître le prix

Mais je souris sans fin
Et j’absence où tu jouis
Pour mériter en vain
Le silence promis

Et je ravale assise
Un autre gin, dehors
Bruits, mon regard s’enlise
Un nouveau pas, de porc

Et je souris encore
Pour les demains à boire
Il FAUT pour mes accords
Punir à la mémoire

Le train

Sale invitée du soir, ma si secrète amie
Ta main de velours noir gantelée d'illusions
Caresse mes envies pour y creuser son nid.
Ta trompe humide et froide aspire l'émotion

Avide et silencieuse suce un suc désiré,
Perle moirée valsant du gouffre vers ton doigt
Et mon corps fatigué de tant d’éternité
Esquisse vacillant des volutes de soie

Mais le train de la mort est entré en gare. Fuis !
Il salive déjà de se savoir emplit
Attendant ta venue, il aiguisait sa faim

Ainsi ton sang dans la machine hurlante, son vin
Se fige dans tes veines et ton corps si fragile
Se rend tout doucement, vidé par son aiguille

L’île au secret

Au bord d'un petit cercueil blanc
Une main noire dessinée
S’agrippait à mon cœur d’enfant
Assassiné

Alors que des petits vers sang
Grouillaient dans mon âme assoiffée
Pour la consumer lentement
De leurs baisers

Ballotté par des vagues temps
Qui me cachent une vérité
Mon radeau danse inconsciemment
Sur des secrets

Mais au loin mon corps les entend
Ces chants tremblants et oubliés
Berçant ma faim du vin grisant
Des égarés

Et c’est alors qu’un ciel clément
Comme un mirage en plein été
Me laisse boire le court instant
D’un amour né

Mais aussitôt le vent violent
Arrache en son bec acéré
Le nouvel agneau impudent
De mes pensées

Alors la main refait ses dents
De ses biseaux vient caresser
Les plaies qui s’ouvrent lentement
Sur un charnier

Et le bateau reprend le vent
Gardant un temps les yeux fermés
En suppliant les océans
De le guider

Ainsi s’écoulent paisiblement
Les jours sans cesse recomptés
Dans le cerveau beaucoup trop lent
D’une aliénée

Et malgré tout la main me ment
Car c’est bien d’une image hantée
Que viennent les espoirs que j’attends
Pour me poser

Alors à nouveau doucement
Les paupières se lèvent incitées
Par la tentation du serment
De m’y noyer