Scarification

Si le rouge a vaincu sur le dernier combat
C’est qu’un noir fatigué par l’échec de son roi
A voulu simuler dans un dernier éclat
Un échec sans danger mais le fou sait déjà

Qu’en fins réseaux de sang jaillissant de sa peine
Le pourpre est si joli quand il danse hors des veines
Dessein d’autres envies que l’hurlante sirène
Chante au bout des quais froids pour ceux que la nuit mène

En d’autres gares, attirés vers de nouveaux cris
Attendant le destin comme on écoute un bruit
La saveur de la souffrance est parfois ainsi
Divine et vivace pour celui qui sait en jouir

Obscure et fugace à ceux qui n’ont pas de rêves
Ambrée, corsée, sensuelle, illusion je l’espère
Jusqu’à ce point d’errance où s’abîment les lames
A valser au chant froid de l’anonyme arcane

Désert

Les chiens de solitude au néant du matin
Se pressent, soldats du ballet de la noria  
Fiers écrous de chimères aux plaisirs incertains
Salivant de fierté dans ces déserts de froid

Si l’absence a des torts que pardonne la lune
Pierrot broie seul du noir espérant un ailleurs
Où serait enchâssé l’avenir dans sa brune
Sur un enfer pétri d’oreillers en couleurs

Mais du monde insensible où crient nos coeurs de glace
L’élément prévisible a déjoué l’espace
Et parmis le silence de ces sons infinis

Nous bercent lentement les rêves artificiels
Qu’approchent perfidement les effets d’un soleil
Où se meurt peu à peu la nuit de nos envies

Avant

Elle saisissait le monde au travers de sa tête
Pour le chanter sans fin dans les couloirs perdus
Devant ces autres gens qui jamais ne s’arrêtent
Chaque jour permanent, toi le froid, moi le flux

Pour du pain, un regard ou une main tendue
Des enfants accrochés au pavé incertain
D’un bitume écorché de prières déçues
Auront un soir de plus, ou mieux, un jour de moins

Mais le printemps bientôt et peut-être un sourire
Au moins de ces amants qui naissent au coin des rues
Ou de quelques passants, enfin ceux qui respirent

Sans baisser le regard devant ce fil de vie
Qui tient encore le temps que le chant continue
De caresser l’avant, achevant son sursis

Amours abîmes

Des abîmes lointains de ma schizophrénie
Aux bords sertis de dards suppurant sa mémoire
Lutte un ami du temps de la valse agonie
Où le fils de Putain au carquois gris trottoir

Faisait battre l’enseigne au rythme de ses coups
Quand l’ange cherchait sa voie à travers ma trachée
Entre un sourire un verre et un prix pour le tout
Qui noyaient dans l’éther ses efforts syncopés

Je passe, et la magie des bulles jaune amnésie
Réchauffant les enfants de ces nuits sans prénoms
M’aide à leur faire goûter ces amours interdits

Jusqu'à l’aube transie, un pour chaque billet
Jusqu’où passent les rêves en serment d’abandon
Grâce aux cristaux des ailes noircies d’éternité

Cernés

A nos accords cernés d’aveugles inepties
Quand naissent les sourires au sein d’hypocrisie
Des regards qui s’absurdent à suinter le Sans-Vie
Sur des bouches au marché des mots vendus, s’oublient

Et quand l’un d’eux s’avise de crier le monde
Au nom de tous ceux du silence, m’emprise la honte
Langues ardentes, rires amers à mes oreilles
Regards curieux comme autant d’yeux qui me surveillent

Nonchalance de tant de gens faux, qui me dérangent
Baisers volés, miroirs de mes rêves, qui se vengent
Pieux noueux s’immiscent dans mon sein déchiré
Et s’épand ma peine d’ombre à demi atrophiée

Tête baissée je gravis d’un pas agité
Les trottoirs froids qui poursuivent une éternité
Silence enfin, mais sévit l’écho des visages
Aux dents blêmes et strié d’un sang, jadis, sauvage

Qui suis-je

Au vide qui m’enivre dois-je attendre un écho
Ou écouter vagir l’hydre aux milles qui suis-je
Sait-on où la limite a figé les défauts
Quand sur les bords salés les hybrides voltigent

A l’orée des peut-être on se perd chaque fois
A rassembler les miettes fuyant d’entre les doigts
Pour esquisser les rêves dont s’effacent les voix
Lorsqu’on solde les pertes à la fin des combats

Le néant apprend vite quand les nuées s’épuisent
Les heures en torrent saignent et tâchent les miroirs
Dont les reflets sordides à simuler Rorschach
Renvoient sous ton égide un noir fruit d’expertise

Où semblent encore brisés, de l’âme les morceaux
Sans savoir qui du vide ou de l’enfant cerveau
Est celui qui réside ou qui résonne faux
Au-delà des fissures où se brisent les mots

Lagon bleu

Lagon bleu de mes rêves offre moi ta chaleur
Lagon bleu de mes rêves offre moi ta chaleur
Afin qu'un temps l'oubli berce enfin mes nuits blanches
Et fuient les ombres mères aux relents d’inconscience
Au-delà de la sphère où crève la douleur

Tes effluves salés se mêlent à mes larmes
Et tes sentiers d’ivoire, guident mes yeux troublés
Me perdant pour un soir ou une éternité
Dans la brume infinie qu'enveloppe ton charme

Le Léthé dans la coupe a la couleur du vent
Charon vêtu de soie berce un enfant qui dort
Et Perséphone siège à la croisée des temps

Mais il faudrait pour être affranchie avant l’heure
Supplier les trois Parques, d'offrir leur ciseaux d'or,
A mon fil qui n'attends que la fin d'une erreur

Maternité vampire


Acide suintant, ver de l’amour maternel
Je t’invite à grouiller dans mon désir avide
Fou de vouloir combler le manque originel
En y substituant ta brûlure insipide

Divine araignée à la noirceur asphyxiante
Mes genoux ont plié devant tant de puissance
Pendant que ma fureur espère et s’impatiente
D’enfin te voir sucer les plaies de ma conscience

Je t’en prie liquéfie, aspire ma douleur
Nettoie les souvenirs qui t’ont rendue si laide
Et tisse les mirages qui te donneront mon cœur

Pour un instant d’oubli, un semblant de bonheur
Jusqu’à ce qu’encore ta faim, malgré mon amour cède
Et ronge par instinct, équarrissant les leurres

Bicéphalité

Deux figures sibyllines
Se miraient en ricanant
Savourant chez leur victime
L’odeur de leur propre sang

Les yeux en prières
Lèvre et menton bas
Les bouches amères
Ont vomit leur proie

Essuyant l’échec
Du bout de leurs doigts
Pour recommencer
Encore une fois

Mais les ombres mères
Ne dessinent-elles pas
La grâce légère
De l’ultime combat

Et les hirondelles
De charogne, avides
Etendent leurs ailes
Sur la trace humide

Où mes larmes hurlent
Mon cœur asphyxié
Dessine une bulle
Sous le lac gelé

L’oubli

Infliger la mémoire aux hommes, du passé
Des deux poings écarter les cuisses de la pudeur
Cribler le paradis d’autels ensanglantés
Enseigner à l’enfant, du vice la saveur

Mais attendre pourtant de chaque tour les heures
Egrenées de secondes à l’écho éternel
Neuf espoirs dix mensonge et treize réflecteurs
Braqués sur les abîmes émaillés de ton sel

Où saturé de haine et gorgé de tristesse
Tu t’offres au prix du corps les faveurs de l’ivresse
Et te livre à l’oubli ainsi qu’à l’assassin

A la rangée de cris qui sillonnent ma tête
Je hurlerais mes nuits jusqu’où mon cœur s’arrête
Pour regarder les jours expirer en demains

L’absent

Il a la beauté des absents,
Celle où l’on aime que soi même
Au miroir des égarements

Il a fait mourir mon présent
Par la fixité de ses ailes
Que je vois se tâcher de sang

Il a si froid que le printemps
De la vie qui se met en peine
Se fait pluie sur son masque blanc

Il est ce prix de l’interdit
De ces années que sais vaines
A guetter sa chaleur tarie

Pourtant depuis ce jour maudit
Où ses yeux ont ouvert mes veines
C’est lui que mon cœur a choisi

L’étoile

Éclaire, brille, brille, tant que tu peux avant, mon ange
De t'évaporer, tomber dans les cieux, la fange
Croupir au sommet de ta gloire, te repentir,
Laisser tes mains se salir, à l’or te détruire

Le désir a parlé inondant les voix clés
Sur les corps danse un fou brisé d’éternité
Les hivers ont soldé ton cœur au plus offrant
Et tu passes, pair, tapis, jusqu’au hasard gagnant

Lumière sur les amours jonchés de chrysanthèmes
Marche arrière sur l’autoroute poudrée de vers blêmes
Où soufflent feu d’argent tes noces frénétiques
Jusqu’aux aubes transies de souffrances érotiques

Puis sur l’écran déteint de tes yeux dilatés
Tu vois encore la mort lentement s'approcher
Son regard te suffoque et tu trembles de froid
Elle s'approche et te sens comme le loup sa proie

Elle renverse son cou énorme en ricanant
Elle a flairé ta peur y a planté ses dents
Et dans sa gorge grasse coule sans s'arrêter
Le sang du désespoir, le sang des condamnés

Orages

D’espoirs en habitudes l’ombre des certitudes
Gravissant mes entrailles pour reprendre ses droits
Infiltre ma carcasse, une énigme insoluble
D'où s'enfuient ricanant un nid d'énormes rats

Mais peut-être fatiguent enfin les ombres mères
Où sèchent à l’orbite les rides du cyclone
Car le souffle insipide de mes lambeaux de chair
Encore se rit des vents piégés dans ses rhizomes

Tant qu’un réseau de vie grouillant de sa caresse
S’écoulera du puits d’argent de ma tristesse
Les enfants de la pluie n’auront que leurs promesses

A noyer aux instants de musicale ivresse
Sifflée d’entre les dents de ces restes tremblants
Sous l’orage incessant des combats que j’attends

Les sans visages

A l’heure où se croisent
Les sans visages
Cernés de paradoxes
Rime elle me désire
Les cavaliers du temps
Sauvages, s’acharnent
A confondre les peaux
Bouffies, satinées, mortes,
Dans le vide des yeux

Je te perdrais

Je te perdrais, je te perdrais mais
Je t’attends, jusqu’à la déchirure
Jusqu’à ne plus savoir qui prend, et
Qui, nous a privés de la mesure

De tes murs lisses, je me hisse enfin
Au sommet de tes vierges absences
Aspirant les regrets incertains
Aux sillons de tes autres naissances

Si tu crois ta noria inféconde
Efface dans la boue l’or des mots
Que la trace avide de tes ondes
Réclame en en souffrant son fardeau

Civilisation féérie

Hier à bout d’insomnie je t’ai offert mes rêves
Sur l’autel fissuré d’un ancien sacrifice
J’avais juste oublié les effets de la fièvre
Née des baisers volés aux pommiers des délices

Mais des rêves enchantés ne reste que l’errance
Distillée chaque soir par l’obscure fée verte
Pressant l’enfant des contes à boire ses nuits blanches
Croyant chasser la bête alors que pour sa perte

Cendrillon a buté Sucendron dans le train
De la neurasthénie virale collective
Les poucets égarés dans la forêt d’instinct,
Lapident les oiseaux qui ont bouffé leurs vivres

La rose a simulé la mutation, les vers
Grouillent encore assoiffés sous la peau de l’esthète
Qui à force d’aimer voit du miroir l’envers
Haïssant son reflet quand l’autre le rejette

Cigarette

Les volutes satin ruisselant de sa bouche
S’avancent étangs fumeux de brumes assoiffées
D’où s’échappent de vagues flots en rubans filés
Aux fluides mystères que l’éther effarouche

Les spirales chassées s’approchant doucement
Pour m’effleurer enfin de leurs langues lactées
S’écoulent sur ma peau en réseaux dilatés
Effluves d’un baiser dessiné par le vent

Mais la liaison défaille et la source se trouble 
Où creuse l’entonnoir d’un soupir expiré
L’écrin ourlé d’azur danse gris se dédouble

Le puits d’incandescence cessant de diffuser
Dans le souffle effilé d’une ultime bouffée
S’achèvent nos amours au fond du cendrier