Paris (3)

Paris grise au matin
D’une autre nuit de fièvre
A la ronde infernale

Tu renais à ta faim
Déjà dans tes artères
Pulse un flot de métal

Qu’un ou deux parapluies
Parfois soudain défie
Sans regarder pourtant

Alors qu’un chien s’oublie
Sur un jouet détruit
Abandonné au vent

Les sirènes affolées
Sauvent quelques victimes
Ou condamnent un fuyant

Quelques passants pressés
Aux couleurs anonymes
Se croisent un instant

Prismes ombrés sur les
Reflets bleutés, striés
D’une tôle assoupie

Les formes dessinées
S’efforcent de danser
Au jeu de l’agonie

Fusionnant les transits
En espoirs métalliques
Aussitôt fragmenté

Sur la ligne de fuite
Qu’un embout de plastique
Empêche de rêver

Mais l’écho claque encore
A l’éphémère tracé
De la féminité

Au savant jeu d’accords
Des parfums emmêlés
Respire la Cité

Paris 2


Ville d’amour et de fuite
Grisée de solitude
A l’aube d’un jour lisse
Paris meurt d’habitudes

L’étalage de fraises
En deuil de leur saveur
S’offrent aux gaz délétères
Pour se fondre à l’odeur

Les roues de la poussette
Evitent celles du caddie
Où pourtant la brunette
Sourit au sans logis

L’appel des poulets frits
S’affronte aux noirs insignes
Des nombreux et frais fruits
De la gente canine

Une trois jambe colorée
Franchit sans regarder
Les mines affligées
Des voyeurs offusqués

Quand sur les bas côtés
Des gisants ont cédé
Au vin qui s’est mêlé
A leur indignité

Qui s’enfuit vers le froid
Des cadavres d’oiseaux
Ecrasés par la loi
Prévue pour des robots

Les barreaux du jardin
Découpent les arbres en bleu
Comme d’impuissants témoins
Décors créés d’un jeu

Pour les chiens, les coureurs
Qui viennent au printemps
Suinter leur épaisseur
Plaquée sous des collants

La carotte cassée
D’un tabac gris s’effondre
Sur une estampe rongée
A la CB sans ombre

La sirène poursuit
Des crissements de pneus
Que quelques têtes avides
Suivent d’un air curieux

Le boucher tranche un cœur
Sur son étal, le sang
Se mélange à la sueur
Pour la joie des clients

Mais j’absence où s’aiguisent
Paris ne sais-tu pas 
Que tes couteaux luisent
A l’ombre de mes pas

Quand les spectres dociles
Glissent au refrain maudit
Puis se figent et vacillent
Valsant tes tragédies

Les deux pieds perforés
Dans le silence hurlé
De ces vers mutilés
J’impuissance à t’aider

Le bruit de la clé


La foule gronde

Sauvage violence

Mais le bruit de la clé

Tourne, cliquette


S’ouvre la porte

Soupir apaisé

Bruit sourd de mon cœur

Palpite à l’affût du silence


Rien, la centrale s’épuise

Me perdre infinité

Dans les sons qui dansent

À l’odeur de l’été


Stridule un chien

Au soir fatigué

S’enlise mais

Le bruit de la clé


Non, c’est à côté


Voix apaisées

D’un retour qui me peine

D’envies frustrées

Du mien qui saigne

Hanté


Passe alouette

S’endort à l’odeur

De la fièvre


Monte

Le bruit de la clé


Souffle

Le vent crie

Non, c’est à côté


J’absence

D’espoir divisée


Mais crépite

Le bruit de la clé


S’enlise

Au peine rouillé


Crisse

Le verrou tourné     


Grince

La poignée

Palpite

Mon cœur affolé

Hurle

Aux gonds éveillés

Cherche

A se cacher

Mais la porte fermée

Tue l’espoir

Le silence

Rends fou

Savoir maintenant

Ce que prépare

L’étage en dessous

Et mourir

Encore ce soir

Comme hier

Et demain

Sisyphe

Est mon destin

Le pouvoir tragique

Petit prince anobli par la concupiscence
Assouvir un à un tes désirs de puissance
C’est te noyer sans fin dans les jarres avides
Où goutte l’espoir vain des mortes danaïdes

Pauvre Tantale, les sens égarent ta raison
Quand la soif et les fruits pourris de l’ambition
T’excitant par l’odeur de la proximité
Malgré la puanteur flattent ta vanité

Petit garçon l’image n’est qu’ombre de l’idée
Ta course à la grandeur est du mauvais côté
Vois comme ton égérie à servir un faux roi
 A corrompu son cœur et perdu son éclat

Pauvre horloge affolée ton tic tac éternel
Te fais assassiner les muses en leur sommeil
Et traquer les vestiges de liberté publique
Pour adapter le monde à ta valeur unique

Tandis qu’on ne sait où, rongé par le remords
Ton Gepetto se pend avec les cordes d’or
Qui devaient t’animer vers le meilleur plus vite
Mais ne sont qu’enviées par le bois qu’elles agitent