J'ai crié sans bruit

Ce soir j'ai crié sans bruit
La stupeur a pris un nom
Je n'ai pas tout bien compris
De quels fers sont nos prisons

Ce soir pour deux, trois raisons,
Un attentat à Paris...
Je me posais la question
Est-ce qu'on aurait tous un prix ?

Le prix du manque, de l'absence
Le prix d'un gouffre de souffrance
Où la soif de reconnaissance
Confond l'amour et la puissance

Ce matin l'aube a puisé
Dans un océan de larmes
Les forces amères héritées
D'un passé érodé de drames

Des peuples, d'hommes asservis,
Sont nées la colère, les armes,
Il fallait un ennemi
Tel est le prix de nos âmes

Le prix du sang, de la vengeance
Légitimé par l'importance
De nos pertes dont la béance
Ouvre les plaies de l'inconscience

Ce soir j'ai manqué de mots
C'était, pourtant, bien écrit
J'espérais mais j'ai tout faux
L'horreur aussi a grandi

La terreur a tant de faces
Se veut un pouvoir si grand
Pourvu qu'elle touche les masses
Quitte à sacrifier ses rangs

Au prix de ses propres enfants
Qu'importe le puits d'indécence
Pour servir le bien des puissants
Elle ira creuser chaque errance

Ce matin je sais combien
Vaut la vie sur cette terre
Propre électeur de ma fin
Je remâche ma bouffe amère

Et combien sommes-nous ainsi
Attendant un futur promis
Pendant que la porcherie
S'acharne à fouler nos vies

Mais chacun saisira sa chance
Pourquoi se spolier quand on pense
Au voisin qui par sa naissance
Étale à l'envi, sa jouissance...